Mec

6 janvier 2014

Deux mecs, mec !
Dans le train, assis en face, mec.
De dix-sept ans, mec, p’t-être plus, p’t-être moins.
Deux mecs qui ponctuent toutes leurs phrases par un ou plusieurs mecs, mec.
C’est à peine croyable, mec. Un truc de ouf ! Pourtant c’est vrai, mec.
Entre Romont et Palézieux, mec, je compte 148 mecs.
148 mecs, mec, sortis de leurs bouches ! En 14 minutes.
Ce qui fait… Attends j’sors mon Iphone, mec : ce qui fait, arrondi à l’unité, mec, du 634 mecs/heure.
Et si tu m’crois pas, mec, ben t’as tort… Parce que j’ai des preuves, mec. Mec, tu m’prends pour qui ? Je les ai enregistrés les deux mecs, mec. Tu crois quoi, mec !

LE film

4 décembre 2012

C’est nouvel an. Pour rien au monde il ne cracherait sur ce droit exceptionnel de la télévision après minuit. Il a envie d’en profiter. D’en jouir. Les yeux mi-clos, affalé sur le canapé, en maître du monde avec la télécommande entre les mains, il zappe. Zappe encore. Jusqu’à tomber sur LE film. Celui sur lequel les garçons de douze ou treize ans finissent par tomber un soir. Ce n’est jamais le même film mais un peu quand même…

Inspiré par les images-on-ne-peut-plus-suggestives qui ondulent sur l’écran, il se touche… Il ne sait pas très bien comment s’y prendre, par quel bout empoigner le manche. Mais il essaie. Il regarde, observe, compare, imite. Se caresse, prend du plaisir.

A tel point qu’il a envie de… Oui, oui ! Non… Oui, non ! Non! NAON ! Il ne peut pas, ne veut pas se laisser aller là comme ça, sur le canapé. C’est la panique, il ne sait pas ce qui va se passer. Ni comment, ni pourquoi. Et surtout combien. Combien bordel ?

Par peur d’en foutre partout, il interrompt sa jouissive activité et va se coucher…

Mais tout prochainement, il apprendra, sous la douche, qu’ il n’y a pas de gros souci à se faire côté quantité.

La moche

25 juillet 2011

Deux petites pépettes. Dix-sept ans. Mignonnes. Rieuses. Tout ce qu’il y a de plus frais.
Des gars sur le parking. Des cadavres de bière. Un joint qui circule.

Un sifflement.

La plus ronde des deux se retourne. Par automatisme, par réflexe. Sans réfléchir.
Une voix qui vient de muer lance : « Pas la moche. L’autre ! ».
Puis des rires graveleux.

La tête de l’adolescente s’incline. La gorge sèche, les yeux plein d’eau, elle rejoint sa copine qui s’esclaffe : « Il fait nuit, comment veux-tu que ces abrutis aient vu ton minois ? Laisse tomber. ».

Elle a raison.
Elle le sait.
Pourtant, quinze ans plus tard encore, lorsqu’un homme l’aborde, elle peine à croire qu’il s’adresse à elle.

Dans l’ascenseur

17 juillet 2011

Dans l’ascenseur.
Un tout petit ascenseur.
En sandwich entre deux pré-pubaires à appareils dentaires :

– Quoi ?
– Elle a des implants mammaires, j’t’dis.
– Noooon ?
– Ecoute, ses seins tiennent tout seuls sans soutien-gorge et ses mamelons qui pointent… Elle a des implants, c’est évident.
– Ah oueh ! Des IMPLANTS MAMMAIRES. C’est fou.

Toujours en sandwich entre elles, j’ai l’impression d’avoir treize ans et je souris. Bêtement.

C’est le printemps.

Le soleil ôte sa grosse écharpe et montre gaiement ses dents-de-lion. Le gazouillement des oiseaux donne envie de siffler. De chanter.

Les pétasses fleurissent.

Elles ont à peine vingt ans. Sont plus belles que l’été, plus belles que jamais. Elles ont l’air de tulipes élancées, légères, fraîches et fragiles. Leur parfum neuf et leurs couleurs éclatantes, parfois exubérantes, ne donnent qu’une envie, celle de les cueillir.

Jeunes et innocentes, leur tige est dépourvue de piques. Elles deviendront roses dans quelques années, lorsque qu’elles se seront défendues du supplice et de la douleur qu’impose l’amour.

Arrosez-les d’amour, damoiseaux! De surprises, de bonheur et non de larmes. Elles couleront bien assez tôt.

 

 

B.B.

9 décembre 2010

B.B.

De sa main habile et professionnelle, il avait éloigné mes genoux l’un de l’autre.

Jambes écartées, pieds dans les étriers, je m’efforçais de penser à autre chose. A mes cours, à mes amis, à mes lectures. J’essayais d’être détendue. Vraiment. Mais le concret de la situation rattrapait le fil de mes pensées.

J’étais nue.

De l’âme à la peau, de la peau aux muqueuses.

Face à un inconnu.

Un inconnu qui  venait de m’ausculter là où moi-même je n’étais jamais allée et qui, à cet instant précis, me palpait la poitrine. Tendue, pleine, ronde, bombée, dodue, blanche, fraîche et ferme comme une poitrine dans ses brèves années de gloire.
Malgré les désagréments, je concevais que cette première consultation gynécologique était essentielle. Que tout ça, c’était pour mon bien ! Naturellement.

Avec le recul des années cependant, je me demande si le « Vous avez la poitrine de Brigitte Bardot », accompagnant son geste de palpation, était tout à fait approprié…

Un chat est un chat me direz vous, mais quand même…

Les deux p’tits marins

12 juillet 2010

Son frère lui disait : « T’es comme les églises, t’as les seins en dedans ». Servi sur un ton d’une délicieuse cruauté, onctueuse et amère, que seul l’amour fraternel peut concocter.

Treize ans, ses deux petits tétons, semblables à de jeunes marins frêles, n’avaient pas encore osé prendre le large. Tandis que son entourage s’émerveillait d’une douloureuse floraison d’où perçaient cerises, pommes, poires ou melons. Chez elle, rien à cueillir. Rien à franchir, rien à gravir.

Cependant, à l’aube des vacances d’été, ses mamelons enjoués levèrent inopinément l’ancre et s’embarquèrent dans un périple fou, immodeste et arrogant. Allaient-ils un jour fixer les amarres ? Oui. Et du plat pays ont émergé d’opulentes collines derrière lesquelles elle se cache encore du regard des hommes.