La greffe du voyageur

1 février 2013

Une touriste s’assied à l’arrière de la fourgonnette. Juste derrière moi. Sous sa casquette à visière en plastique et empaquetée dans son sac à dos orange, elle prend appui sur le dossier de mon siège et me parle à l’oreille mais très fort. Pour l’emporter sur le brouhaha de la camionnette qui se déchaîne sur ce chemin scabreux. Elle parle et parle encore. De tout et de rien avant de se lancer dans une tirade infinie et de citer les pays d’Amérique latine qu’elle a visités, en quelle année et combien de fois… Et là, j’ai beau être patiente, elle me perd, je ne l’écoute plus : je disparais dans cette forêt sauvage et profonde de la Peninsula de Osa.
Plus rien d’autre n’existe que cette nature.
Que cet ailleurs.

Tout à coup cependant, deux bras rouges s’allongent vers moi. Me bousculent. Deux bras, avec à leur extrémité, un appareil photos (la greffe du voyageur ?). Je me penche vers l’avant, me pousse sur le côté. Mais ça ne suffit pas, l’avancée de ces deux bras impliquent que je me torde la nuque afin que madame bombarde le paysage à travers le pare-brise (est-ce que les gens voyagent pour prendre des photos ?).

Et quand je descends de la fourgonnette, le teint vert et les jambes flageolantes, elle me photographie (je crois que quelque chose m’échappe).

2 Réponses to “La greffe du voyageur”


  1. …et notre monde réel s’étiole pour n’être plus qu’un point de référence pour ce monde virtuel, cet autre territoire parallèle au notre, fait de clichés répétés inlassablement. Dans lequel sommes-nous?


    • Dans celui du cliché ? Qui déborde de part et d’autre. Qui nous enlise. Qui nous sauve peut-être de n’être que dans l’un ou que dans l’autre. Si c’était le cas, on ne vivrait pas avec notre temps. Et je crois que vivre avec son temps, même si ce temps-là frise l’absurdité, c’est important.


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